Titre : | La Convention européenne des droits de l’homme et la protection des droits et libertés à l’ère du numérique (2023) |
Auteurs : | Sandrine Turgis, Auteur |
Type de document : | Article : Article de revue |
Dans : | Civitas Europa (n° 49, 2022/2) |
Article en page(s) : | 11 pages |
Langues: | Français |
Sujets-matières : |
société numérique
Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) droits humains jurisprudence protection des données intelligence artificielle (IA) |
Résumé : |
Preuve de l’actualité de la thématique du numérique pour les droits et libertés, le séminaire judiciaire de 2021 organisé sous l’égide de la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) avait pour thème « L’état de droit et la justice à l’ère du numérique ». En parallèle du développement par la Cour EDH d’une pratique se saisissant des possibilités offertes par le numérique, la juridiction de Strasbourg a aussi développé une jurisprudence portant sur le numérique, ce dernier pouvant être largement entendu, allant des usages liés à l’internet au recours à l’intelligence artificielle en passant par la question centrale de la protection des données. Comment les problématiques liées au numérique sont-elles saisies par la Convention européenne des droits de l’homme ouverte à la signature le 4 novembre 1950 ? La mobilisation des dispositions de la Convention pour assurer le respect des droits et libertés à l’ère du numérique conduit à s’intéresser aux méthodes utilisées par la Cour EDH pour atteindre ce résultat.
La Cour EDH a été confrontée à la montée en puissance des affaires liées au numérique, reflet de la place prise par ce dernier dans la société et a su s’appuyer sur les dispositions de la convention pour se saisir de ces problématiques sous l’angle des droits et libertés, comme le démontre notamment la protection des données à caractère personnel et les problématiques associées à internet. De nombreuses affaires illustrent l’ambivalence du numérique, qui, comme d’autres technologies mais de façon exacerbée du fait de son omniprésence et de ses potentialités, permet d’espérer le meilleur pour les droits et libertés, tout en laissant craindre le pire. Parmi les méthodes utilisées par la Cour EDH pour assurer une interprétation actualisée de la Convention européenne des droits de l’homme, il est intéressant de relever la référence à des sources externes spécialisées dans le numérique. Les affaires relatives au numérique ont en effet conduit la Cour EDH à être confrontée à une succession de questions jusque-là inédites pour elle mais éventuellement déjà traitées dans d’autres enceintes. Au fil de sa jurisprudence, la Cour EDH a alors pu porter attention aux divers instruments internationaux et européens relatifs au numérique adoptés ainsi qu’aux travaux réalisés sur l’articulation entre droits de l’homme et numérique par différents comités et interprètes. Cette démarche lui permet de pallier l’absence de référence explicite à ces thématiques dans la convention et d’actualiser son interprétation de cette dernière. Par ailleurs, la Cour peut utiliser la technique des obligations positives qui peut alors permettre la concrétisation des droits garantis dans la Convention européenne en dépit des spécificités techniques de l’environnement numérique. Cependant, le détour par les obligations positives des États se heurte parfois à l’ineffectivité des moyens techniques existants, ineffectivité qu’ils n’ont pas toujours l’obligation de surmonter. Ce rapide aperçu de la jurisprudence de la Cour EDH démontre que, malgré leur adoption il y a plus de 70 ans, les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme ont pu être mobilisées pour assurer le respect des droits et libertés à l’ère du numérique. De futurs défis attendent la juridiction de Strasbourg, à l’image des problématiques liées à l’intelligence artificielle. Même sans recourir à la justice prédictive, il semble pouvoir être affirmé que la Cour EDH a les moyens d’y répondre. |
Fonds : | Courant |