Titre : | Cartographier la propagation des contenus russes et chinois sur le Web africain francophone (2020) |
Auteurs : | Frédérick Douzet, Auteur ; Kevin Limonier, Auteur ; Selma Mihoubi, Auteur ; Elodie René, Auteur |
Type de document : | Article : Article de revue |
Dans : | Hérodote (N°177-178, 2020/2) |
Article en page(s) : | Pages 77 à 99 |
Langues: | Français |
Sujets-matières : |
accès aux soins de santé
Russie Chine société numérique accès au savoir, à la culture et à l'information désinformation |
Résumé : |
En août 2019, le journal The Intercept a rendu publique une série de documents concernant l’influence grandissante de la Chine et de la Russie sur le continent africain. Rédigés par deux généraux américains ayant récemment commandé le US Africa Command (Africom), ces rapports confidentiels destinés au Congrès des États-Unis qualifient l’influence des deux pays en Afrique de « pernicieuse » (malign, en anglais). De nombreux qualificatifs peu flatteurs y sont par ailleurs employés pour décrire les actions de Pékin et de Moscou : « manipulation de l’information », « influence néfaste », informations fallacieuses (false narratives)... Dans une Amérique profondément marquée par les accusations d’ingérence que la Russie aurait pratiquée pendant l’élection présidentielle de 2016, ce sont des mots qui sont loin d’être anodins. En France, l’influence de ces deux pays inquiète également [Jeangène Vilmer, Escorcia, Guillaume et Herrera, 2018, p. 100-101], alors que plusieurs milliers de soldats français sont engagés au Sahel et que de nombreuses rumeurs à leur encontre se sont dernièrement propagées sur les réseaux sociaux – sans que l’on puisse d’ailleurs les attribuer formellement à la Russie. Aux yeux des anciennes puissances coloniales et de leurs alliés américains, la Chine et la Russie apparaissent comme des adversaires économiques et politiques de premier ordre en Afrique. Certes, l’influence de ces deux pays se situe sur des échelles différentes : la Chine représente environ 130 milliards de dollars d’investissements sur le continent, là où la Russie ne pèse que 5 milliards. Pourtant, malgré cette différence, la Chine comme la Russie accompagnent leur influence grandissante par la mise en place de dispositifs médiatiques et informationnels destinés à améliorer leurs images respectives, à faire évoluer les opinions publiques en leur faveur, et à soutenir certains acteurs ou certaines causes locales.
Ce n’est certes pas là quelque chose de nouveau, ni de spécifique à ces deux pays : pendant la Guerre froide, Marshall McLuhan évoquait déjà les enjeux de la circulation toujours plus rapide de l’information [McLuhan, 1977] à une époque où les notions de désinformation et de propagande étaient beaucoup discutées de part et d’autre du Rideau de fer [Whittle, 2015] Certains de ces débats ont d’ailleurs été réactivés depuis la victoire de Donald Trump aux États-Unis et l’accusation faite à l’encontre de la Russie d’« ingérence » dans le processus démocratique américain, si bien qu’il existe une pluralité de points de vue sur la nature de la mission actuellement confiée aux agences médiatiques russes par l’État – les qualificatifs allant de « propagande » [Ogarkova, 2014] à « diplomatie publique » [Audinet, 2018, p. 35]. Pour notre part, nous considérons ici la propagation des contenus produits par ces agences comme un phénomène strictement quantitatif, impossible à qualifier tant que celui-ci n’aura pas été quantifié, et cartographié. Dès lors, l’objectif de cet article n’est donc pas tant de mesurer (ni même de qualifier) l’influence de la Russie et de la Chine, mais bien de proposer une méthode destinée à mettre en lumière les grands mécanismes de propagation des contenus produits par les agences médiatiques de ces deux pays à destination du lectorat africain francophone. Autrement dit, il s’agit de montrer comment la stratégie d’influence de ces deux pays en Afrique peut en partie être « divulguée » par l’interprétation de jeux de données récoltés à cet effet. |
Fonds : | Courant |