Résumé :
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Entre 2019 et 2020, la démocratie française a vu poindre deux exigences extrêmes mais inverses. D’abord – avec la crise des « gilets jaunes » – la demande d’une participation citoyenne totale (notamment à travers le référendum d’initiative citoyenne, puis la mise en place de la Convention citoyenne pour le climat) ; ensuite – avec la crise du coronavirus – l’aspiration à être protégé et gouverné par un super-pilote. Plus de démos et d’horizontalité, d’une part ; davantage de cratos et de verticalité, d’autre part. Cette séquence justifierait à elle seule la plus grande prudence à l’égard d’une tentation de réforme institutionnelle qui ferait pencher la balance d’un seul côté. Notre régime, dans ce double contexte, a fait preuve de sa robustesse, et c’est plutôt une bonne nouvelle. Mais, sous un autre angle, d’inquiétantes fissures se dessinent. La crise des « gilets jaunes » a révélé la faiblesse des corps intermédiaires instaurant un face-à-face périlleux entre l’exécutif et, sinon le peuple, à tout le moins du peuple. Quant à la crise du coronavirus, elle a montré la grande difficulté d’un pouvoir centralisé et bureaucratisé à mobiliser des relais d’efficacité au sein des territoires et de la société civile. Autrement dit, la robustesse globale de notre régime ne doit pas masquer ses failles dans le détail. Ces crises ont aussi mis en lumière sa faiblesse centrale : les citoyens ne font pas plus confiance au pouvoir que le pouvoir ne fait confiance aux citoyens. Cette double défiance entre le démos (qui reproche à l’État son impuissance) et le cratos (qui suspecte le peuple d’avoir perdu le sens de l’intérêt général) porte en elle des menaces pour l’avenir, car elle pourrait se transformer à terme en méfiance. La différence mérite d’être rappelée : « La méfiance fait qu’on ne se fie pas du tout ; la défiance fait qu’on ne se fie qu’avec précaution. Le défiant craint d’être trompé ; le méfiant croit qu’il sera trompé » (Littré). Comment sortir du cercle vicieux de la défiance et comment installer un cercle vertueux de la confiance entre les élus et les citoyens ? C’est l’enjeu majeur de notre temps et c’est à son propos que l’on mobilise, en général, l’idée de démocratie participative.
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